Friday, December 30, 2005

Les petites filles

Les petites filles de l’au-delà
M’offrent leurs yeux humides
Dedans leurs mains sanglantes

Sur leur cou, les marques ont disparu
Les blessures qu’elles me tendent
Sont celles qu’elles ont vécu

Elles ne voulaient plus voir
Et ne pas être vues
Étranglées par l’espoir
Elles se sont jetées
Maintenant tout est noir
Maintenant elles savent tout

Elles me parlent :
D’amour,
Qui était là près d’elles
Qu’elles n’ont pas reconnu
Détours,
La mort n’est pas cruelle
Le monde, lui, est perdu

Elles savent mais ne pleurent pas
Pourtant elles le voudraient
C’est bien ce qu’elles affirment
Mais je les crois à peine

Elles se rappellent la pire des guerres
Comme si déjà déroulée
Demain, aujourd’hui et hier :
Les enfants dépecés,
Les charniers d’assaut,
Les faux paradis,
Les morts en sursaut,
Le grain de folie,
Des scissions à chaud,
Des armées de fièvre
Qui se font écho,
Réactions en chaîne,
Cathédrales d’atomes
Érigées à la haine
Par l’Homme

Elles se soucient bien peu de ce qui adviendra,
Cela est déjà arrivé
L’avenir amorce un passé
Qui reviendra

Elles sourient,
Me racontent l’histoire
D’un créateur qui tourne en rond
Je crois qu’elles parlent de moi
Elles se marrent, crachent des poumons

Dieu est fumée
Sa Parole est cancer

Elles soufflent,
Comme le vent souffle des tristesses aux arbres qui s’effeuillent – et les fait soupirer.
« Quand il fait froid tu dors, quand il fait froid tu dors et ne te réveilles pas. »

Elles me parlent de terres gelées
Des Anges qui pressent le pas
Comme aller au fast-food pour son dernier repas

Ces filles froides sont des glaçons d’été
Belles comme un miroir qui ne sait rien refléter

Mes propres mains sont mortes
« C’est grâce à elles, disent-elles
Que tu peux nous raconter. »

Des cercueils flottent sur une eau qui reste limpide
On dirait de mignons petits bateaux blancs
Ces cadavres en vacances
Sont des enfants

Elles font semblant d’être heureuses
Mais leur peau est trop grise
Elles ne sautent pas à la corde
Elles s’y pendent

Elles me tournent le dos
Je ne peux rester
« Tu en sais trop. »
J’en sais assez

Je ne crois plus à l’Enfer
Depuis qu’il m’a déçu

Je fais mes adieux au cimetière
Où les petites filles pendues
Appellent,
Font de la balançoire
Sans avoir à s’asseoir
Et pleurent
De n’être rien de plus
Et mortes avant leurs mères

Elles ont trop vite vécu
Enfants déjà elles étaient vieilles
Elles me rassurent,
Elles sont si belles.

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